Commentaire du dernier ouvrage de Paul-Marie Coûteaux.
Préfaçant leur réédition, Régis Debray a jugé que les discours de guerre du général De Gaulle – et particulièrement l'appel du 18 juin – n'étaient pas « de ceux qui ont fait l'histoire de ce siècle ». Grâce à leur auteur, tout au plus « l'affaire France » se serait-elle « bien terminée » : « Sortir un jour ou l'autre de l'histoire est un sort banal », conclut Debray. « En sortir par le haut n'était pas donné à tout le monde. Alléluia. »
C'est un véritable blasphème aux yeux de Paul-Marie-Coûteaux. « Vous déraillez », lance-t-il à celui qui fut son « modèle ». « La France reste l'une des cinq ou six premières puissances du monde », rétorque-t-il dans un opuscule publié à son intention. Le chantre du souverainisme y propose une interprétation spirituelle de l'appel du 18 juin, esquissant la thèse qu'il développera dans son prochain ouvrage. « La réalité du jour, en juin 40, c'est le désastre, nul n'en disconvient », reconnaît-il. S'inspirant très librement de Platon, il n'en affirme pas moins que la « vérité » était tout autre, élaborant une dialectique au service de l'espérance.
Avouons-le, notre esprit quelque peu "terre à terre" s'y montre réfractaire. Notre réaction a-t-elle été conditionnée par notre formation à l'école d'AF ? Selon Paul-Marie Coûteaux, en tout cas, son maître « ne vit dans les beaux discours de Londres qu'un déluge de romantisme juvénile... » Loin d'être unanimement rejeté dans nos rangs, le principe gaullien selon lequel « l'intendance suivra » participe lui aussi, selon nous, du déni de réalité. Gardons-nous d'y voir un écho au "Politique d'abord" de Maurras, pour qui « la route doit être prise avant que d'arriver à son point terminus ; la flèche et l'arc seront saisis avant de toucher la cible ; le moyen d'action précédera le centre de destination ». C'est à peu près l'inverse que proclame l'autre Charles.
« La France peut toujours redevenir ce qu'elle fut souvent », poursuit Paul-Marie Coûteaux, à savoir « le caillou glissé dans la chaussure des mastodontes ». Comme en 2003, où Paris se distingua à la tribune des Nations Unies, exaspérant son allié américain sans parvenir – ni même chercher ? – à infléchir sa volonté d'envahir l'Irak. Comme en 2005, où le rejet du traité établissant une constitution pour l'Europe précéda l'adoption du traité de Lisbonne qui en reprenait la plupart des dispositions. Autant de "non" censés prouver « que l'histoire continue » ! Des "non" sans conséquence, dont seuls les amateurs d'esbroufe devraient apprécier la valeur.
La « grandeur » louée par les gaullistes se réduit somme toute à quelques apparats de puissance – notion à laquelle Paul-Marie Coûteaux semble d'ailleurs préférer celle de souveraineté, en dépit de son caractère essentiellement juridique et formel. Il ne craint pas d'inscrire son combat contre l'Union européenne dans la continuité de la Résistance. Une posture de tartuffe ? Celle d'un croisé, émancipé des rigueurs matérielles ! « Dans la fameuse formule "Toute ma vie je me suis fait une certaine idée de la France", le mot essentiel est idée ; elle surplombe toute l'épopée. » À ce petit jeu-là en effet, tout n'est qu'affaire de foi.
Paul-Marie Coûteaux : De Gaulle, espérer contre tout - Lettre ouverte à Régis Debray ; Xenia, 19 juin 2010, 93 pages, 10 euros.